Pour un service public de recherche en état de marche, respectueux de ses agents et au service des citoyens !

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Cette rentrée 2014, c’est « sciences en marche » et la préparation du budget 2015, mais vers quel service public de recherche ?

En écho à l’actualité, cette contribution de fond de SUD-RE revient sur les différentes démarches de recherche, sur les impératifs de toute recherche au service du public, et la traduction en terme de moyens dédiés, notamment en besoin d’emploi de titulaires.

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Pour un service public de recherche en état de marche, respectueux de ses agents et au service des citoyens

Extrait actualisé d’une « Contribution de Sud Recherche EPST à la réflexion sur l’avenir de l’ESR » rédigée fin 2012 à l’occasion des Assises de l’enseignement supérieur et la recherche, dont le texte complet est consultable en ligne (http://www.sud-recherche.org/SPIPprod/spip.php?article1558).

1. Il n’y a pas une, mais DES recherches au service du public :

Ce qu’on appelle « la recherche » recouvre en fait plusieurs démarches, répondant à des finalités différentes (progression et diffusion des connaissances, valorisation économique, aide à la décision publique, etc…). Pour Sud Recherche EPST, l’opposition entre recherches à visée marchande et recherches au service du public sans médiation marchande, est beaucoup plus pertinente que l’opposition simpliste et traditionnelle entre « recherche fondamentale » et « recherche appliquée » (entendue le plus souvent uniquement comme recherche-innovation à but commercial). Dans ce contexte, le service public de recherche couvre différents types de recherche, dont certaines recherches dites appliquées ou finalisées, ou d’autres ayant comme « seul » but la connaissance. Et il faut tenir compte de cette diversité – qui est un atout et non un problème – pour être en mesure, dans chaque cas de mettre en place les modes d’organisation, de construction des programmes de recherche, d’évaluation, les mieux adaptés aux objectifs.

Ainsi, les EPST (Établissements Publics à Caractère Scientifiques et Technologiques) ont été créés pour remplir des missions différentes de celles des Universités et qui diffèrent d’un EPST à l’autre. Cette diversité, cette complémentarité doivent être maintenues !

Non au démantèlement des EPST(1), non à leur dissolution dans les COMUE (2)et autre IAVFF (3) au service des intérêts politiques et économiques et régionaux !

2. Les grands principes que nous voulons voir respectés :

 La recherche publique ne peut s’accommoder d’une succession de projets à courte vue, elle doit se faire avec une pérennité et une indépendance par rapport aux intérêts privés et aux pressions politiques que seuls l’emploi statutaire et le financement sur crédits récurrents de l’État peuvent garantir.

 Nous contestons, en tant qu’agents du service public et en tant que citoyens, qu’il soit du rôle de l’État de financer la recherche-développement et l’innovation en lieu et place des détenteurs de capitaux, sans aucune prise en compte des finalités et de l’intérêt public de ces recherches, et y compris dans des entreprises qui font des bénéfices colossaux (Total, l’Oréal, ou Sanofi…) et qui ont parfaitement les moyens de la financer. L’État doit d’abord commencer par s’occuper de financer ses propres services publics et donner des conditions de statut, de salaire, et de travail décentes ! Les crédits publics pour la recherche publique au service des citoyens !

 Nous voulons travailler dans un cadre non de compétition, mais de coopération où l’efficacité collective est bien plus que la somme des efficacités individuelles. Pourtant, la politique actuelle, tout entière orientée vers la valorisation de la compétition, nie le travail d’équipe et assimile l’intérêt général à celui des entreprises privées et de leurs actionnaires. Dans ce contexte, la première chose à faire est de supprimer la PESte (prime d’excellence scientifique), récemment renommée PEDR (prime d’encadrement doctoral et de recherche), et tous les mécanismes d’individualisation des rémunérations qui se multiplient (modulation de primes, intéressement…). Ce sont les salaires de base qu’il faut revaloriser !

 Les politiques scientifiques des établissements devraient être basées sur une interaction avec l’ensemble des acteurs concernés par la recherche publique pour qu’un véritable débat contradictoire sur les choix stratégiques de recherche ait lieu. Si l’on ne peut refuser toute ingérence de l’État au nom d’un quelconque principe idéologique, il nous parait tout de même vital d’explorer les moyens de mettre en place, dans le pilotage de la recherche publique, un contre-pouvoir de nature à sauvegarder l’intérêt général et à équilibrer le respect des demandes de la Société Civile – tout particulièrement dans les domaines de la santé, de l’environnement, du développement - avec les missions à long terme de la Recherche Publique.

 Sud Recherche EPST défend un statut des lanceurs d’alerte et la création d’une clause de conscience pour la sauvegarde d’un intérêt général, alors que rien n’existe aujourd’hui dans le droit français.

 Pour le droit des générations futures à disposer d’une planète vivable, qui passe entre autre par une politique publique de la recherche soutenant fortement une agriculture durable, des transports durables, etc… Et des EPST durables !

 C’est en l’ouvrant sur la société que nous « sauverons » la recherche publique (éthique de la recherche, enjeux Nord/Sud, Forums Sociaux, débats citoyens…). Les Conseils d’Administration de nos EPST ne doivent pas être réservés aux acteurs économiques, mais s’ouvrir à d’autres « porteurs d’enjeux » sociétaux.

 La collaboration public/privé doit se faire dans le respect de principes, de manière à ce que chacun reste dans son rôle et que soient garanties l’indépendance et la neutralité de la recherche publique : que cette collaboration s’inscrive dans des enjeux d’intérêt général dont est investi l’organisme de recherche public ; que ni le laboratoire public ni les personnels ne soient financièrement intéressés à cette coopération ; que surtout il n’y ait pas de contrat exclusif avec un partenaire unique qui, non seulement lui donne un avantage concurrentiel indu, limite la diffusion de l’innovation mais risque aussi de porter le soupçon sur la neutralité et l’impartialité de la recherche publique et discréditer toute expertise. Il est primordial de renouer une relation de confiance entre les citoyens et la recherche, celle-ci s’étant fortement affaiblie ces dernières années.

 Nous demandons l’abrogation des dispositifs d’intéressement mis en place par la loi de 1999 sur la recherche et l’innovation, et de la prime d’intéressement collectif qui en est le prolongement. Ces dispositifs sont contraires à l’éthique du service public de recherche. Ils sont de plus sources d’inégalités vis-à-vis des personnels qui travaillent dans des domaines en dehors du champ de l’innovation technologique et de la recherche privée.

3. Emploi dans la recherche publique et statut des personnels :

Les objectifs ambitieux de développement de la recherche qui ont été fixés au niveau européen et national ne peuvent être atteints sans un effort sans précédent pour créer des emplois, former des jeunes aux métiers de la recherche et rendre les carrières scientifiques et techniques attractives.
Les missions confiées par la loi à la recherche publique, nécessitant l’accumulation et la transmission de connaissance et de savoir-faire techniques sur le long-terme, l’indépendance et la neutralité du service public, sont incompatibles avec la précarité de l’emploi ; l’objectif d’atteindre un haut niveau de protection sociale pour tous ses acteurs, de rendre les carrières attractives, d’améliorer le dispositif d’évaluation, également. La croissance de l’emploi dans la recherche publique doit donc se faire sous forme de création d’emplois de titulaires.

Or aujourd’hui, non seulement il n’y a pas de créations de nouveaux emplois (refus d’inclure dans la loi Fioraso de juillet 2013, un volet « programmation » d’engagement sur les moyens), mais chaque année un millier d’emplois environ sont supprimés dans les EPST : supprimés officiellement (retirés du plafond d’emplois que les EPST sont autorisés à recruter, comme à l’IFSTTAR), ou supprimés « en douce » (laissés vacants par manque de subvention de l’Etat). D’après les documents annexés aux lois de finances, on en est à plus de 4700 emplois vacants dans les EPST en fin 2013, soit près de 10 % des postes ! Et pendant ce temps, on continue à recruter des précaires, « jetables » et moins chers pour assurer les besoins permanents dans la recherche comme dans les fonctions d’appui !…

Nous refusons la mise en place du CDI ou du « contrat de projet » comme moyen de recruter et gérer « à la tête du client » et de remettre en cause le statut de titulaires. Le recours aux CDD doit être limité au remplacement de titulaires absents pour cause de maladie, congé parental… ; et à la couverture de la thèse (chaque doctorant doit être couvert par un contrat de travail de droit public, mais le « contrat doctoral » actuel – véritable « usine à gaz » et système de rémunération à deux vitesses - doit être revu).

Nous demandons :

 une rallonge budgétaire immédiate de l’État pour permettre de recruter des titulaires sur tous les postes actuellement vacants.

 l’engagement de l’État à financer chaque année l’intégralité des coûts salariaux des emplois inscrits au Budget et votés par le Parlement [y compris le GVT (4)] : pas un poste ne doit être laissé vacant pour compenser l’insuffisance de la subvention de l’Etat !

 au-delà de pourvoir tous les postes vacants, un plan pluriannuel de créations d’emplois de titulaires, basé sur une analyse des besoins, à conduire dans chaque organisme. Cette analyse doit comporter impérativement un inventaire des situations de précarité qui devra déboucher sur un véritable plan de résorption de l’emploi précaire ; ce qu’est loin de faire la loi Sauvadet ! Ce plan pluriannuel doit intégrer les objectifs et principes suivants :

 résorption de la précarité existante dans toutes les catégories ;

 recrutement des jeunes chercheurs au plus près de la thèse ; nous sommes fermement opposés au « contrat de projet ou de mission » qui avait été proposé dans le cadre de la loi Sauvadet, avec un rejet unanime de la part des syndicats ;

 équilibre entre accroissement des emplois scientifiques et des emplois techniques ;

 déblocage des carrières et reconnaissance des qualifications ;

 contre l’externalisation de certaines tâches (en général exercées par des agents de catégorie B et C) considérées comme ne faisant pas partie du « cœur de métier » de la recherche, au prix d’une perte de proximité et de souplesse de collaboration et le plus souvent d’une dégradation des conditions de travail de ces emplois externalisés.

Nous voulons un projet collectif d’avenir pour la recherche publique, porteur des raisons qui nous font croire à l’utilité de nos métiers et à une recherche qui investit pour bâtir un monde solidaire, pour la collectivité et pour chacun(e)  !

L’emploi dans les EPST : Le gouverneMENT… Titularisation de tous les sans-statuts… Vite !

Le maintien de l’emploi dans la recherche est une fiction, chiffres à l’appui !

Contrairement à ce que Mme Fioraso voudrait nous faire croire (entretien à AEF du 24 septembre 2014) l’emploi public n’est ni constant, ni « en légère hausse » dans les EPST, il diminue ! Une analyse des chiffres annexés aux Lois de finances (ceux-là même qui sont transmis au Parlement) montre qu’entre 2008 et 2013, si le plafond d’emplois n’a diminué « que » de 578 postes, le nombre d’emplois sous plafond réellement occupés a chuté de 3700. L’envolée des CDD financés sur « ressources propres » (ANR, conventions…) n’a même pas permis de compenser la chute des recrutements sur les emplois de titulaires (perte de 1800 emplois au total) !

L’écart se creuse entre le nombre d’emplois que les organismes sont autorisés à recruter (le « plafond d’emploi ») et le nombre de ces emplois réellement pourvus. À cause de l’insuffisance de la dotation de l’État, un nombre croissant de ces emplois « sous plafond » (essentiellement des emplois de titulaires) sont laissés vacants (« gelés ») : comme les universités, les organismes de recherche n’ont plus les moyens à la fois de « fonctionner », de faire les avancements, et de recruter… Au final c’est l’emploi qui trinque ! Cette situation s’aggrave d’année en année : en 2013, 4741 emplois sont restés vacants dans les EPST, soit près de 10% des emplois sous plafond autorisés. Depuis 2011, on est sur un rythme de disparition d’un millier d’emplois supplémentaires chaque année dans les EPST ! Qu’est-ce que ce serait si l’emploi n’était pas « maintenu » !

Les effets néfastes des contre-réformes des retraites et des politiques « d’excellence »

Devoir partir à la retraite de plus en plus tard a non-seulement un impact sur les agents eux-mêmes qui partent dans des conditions de santé et matérielles plus dégradées, les privant de profiter pleinement de leur retraite, mais aussi sur l’emploi. En effet :

1) l’augmentation du GVT (Glissement Vieillesse Technicité) aggrave la situation
Ce GVT est lié à l’augmentation du « coût » des emplois au fur et à mesure de la carrière des agents. Il est quasi-nul lorsqu’un agent partant à la retraite est remplacé par un nouveau recruté débutant en bas de grille. Avec les contre-réformes des retraites - les seniors tardant à partir - le GVT devient positif, avec un déficit à la clé. En l’absence de compensation du GVT par l’Etat, c’est l’emploi qui est sacrifié.

2) le choix de distribuer des « bonus » à certains personnels (en général déjà les mieux rémunérés), sous forme de primes ou compléments de rémunérations « sur mesure » pèse également sur la masse salariale : les ISFIC, la relance de la PES rebaptisée PEDR, etc…
L’État « patron-voyou » pour ses agents, mais l’État « providence » pour les entreprises !

Au final, ce sont des milliers de jeunes qui restent sur le carreau, et la précarité qui ne semble plus une anomalie pour le gouvernement, comme si la loi Sauvadet avait résolu le problème. Les évolutions structurelles de l’ESR au travers des diverses contre-réformes des gouvernements successifs (Pacte pour la recherche, Loi LRU, Loi Fioraso) ont entrainé le recours massif à l’emploi contractuel, la plupart du temps pour des fonctions qui sont identiques à celles des titulaires et légalement devraient être occupées par des fonctionnaires titulaires. Le dernier bilan social du ministère fait état de près de 90 000 contractuels et vacataires. Quel avenir pour eux ? Pourtant les moyens financiers et légaux (5) pour les titulariser existent.

Il y a dès aujourd’hui 4741 postes à pourvoir dans les EPST !
L’État doit financer l’intégralité des emplois votés au parlement, y compris le GVT

À travail égal, statut égal : titularisation de tous les sans-statuts… Vite !
Qu’on ne nous dise pas que ça « coûte trop cher » :

Ça coûte beaucoup moins cher aux contribuables que la niche fiscale du Crédit Impôt Recherche et les emplois fictifs du MEDEF à 100 000 € pièce !
Et l’argent qui finance les CDD est déjà de l’argent public à 90 % !


(1) EPST : Établissements publics à caractère scientifique et technologique (CNRS, INRA, INSERM, IRD, INRIA, IRSTEA, IFSTTAR, INED)

(2) COMUE : Communauté d’Universités et d’Établissements

(3) IAVFF : Institut Agronomique, Vétérinaire et Forestier de France

(4) GVT = Glissement Vieillesse Technicité, c’est-à-dire le coût de l’ensemble des avancements et promotions liés à la carrière des agents

(5) http://www.sud-recherche.org/SPIPprod/spip.php?article1494

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