Après la publication « Séralini » sur les risques de consommer un maïs OGM : une controverse qui nécessite, à nouveau, de se poser les bonnes questions !

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La branche INRA du syndicat s’exprime, face à la nouvelle controverse concernant les OGM alimentaires, suite à la publication « Séranili ».

Une controverse qui nécessite, à nouveau, de se poser les bonnes questions sur l’évaluation des risques sanitaires, sur l’homologation de ces produits et l’impartialité des experts, sur le positionnement de l’INRA face à cette question des OGM.

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La publication récente de l’article de G.E. Séralini et de ses collègues dans une revue internationale de bon niveau (Food and Chemical Toxicology, classée comme étant de « notoriété excellente » par le système Noria de l’INRA) qui a déjà accueilli de nombreux articles de collègues de l’INRA, suscite un vif débat dans la société civile mais aussi dans la communauté scientifique française et internationale. Ce débat concerne aussi bien la stratégie médiatique de diffusion des résultats de cette étude auprès de nos concitoyens (exclusivité pour un grand hebdomadaire français avec un message extrêmement alarmiste sur la toxicité des OGM), que la méthodologie suivie pour l’étude dont les résultats, pour leurs auteurs, démontrent une toxicité à long terme de la consommation conjointe de maïs génétiquement modifié et de son herbicide associé.

Notre syndicat SUD Recherche EPST a, par le passé, plusieurs fois exprimé sa défiance envers l’utilisation des OGM en agriculture en raison de leurs conséquences environnementales et sociales et du modèle économique qui leur est associé (privatisation des ressources génétiques), mais aussi parce que nous jugions que les risques sanitaires liés à leur consommation n’étaient pas évalués correctement. Au nom de ces convictions et de ces inquiétudes, nous nous sommes engagés plusieurs fois dans des actions qui ont parfois pu être mal comprises et qui nous ont même été reprochées, à l’exemple de notre témoignage en 2011 lors du procès des arracheurs de la vigne de Colmar. Pour mémoire, notre expression au lendemain de leur action :« Essai INRA plein champ sur la vigne transgénique : un échec qui nécessite de se poser les bonnes questions ? »

Sans nous prononcer sur les résultats de la publication de G.E. Séralini qui fera l’objet, dans les prochaines semaines, d’une expertise approfondie par la communauté scientifique, nous constatons que les débats que soulève ce travail, confirment la pertinence de plusieurs des idées que nous défendons et des questions que nous posons, notamment en regard des orientations scientifiques de notre Institut.

La première de ces questions concerne l’évaluation des risques sanitaires liés à la consommation d’organismes génétiquement modifiés et des herbicides qui les accompagnent.

Dans une interview publiée le 20 septembre dans le journal Le Monde, G. Pascal, ancien toxicologue à l’INRA qui est désormais consultant pour des entreprises de l’agroalimentaire, a déclaré, en début d’interview, que l’étude de Séralini présente de « très sérieuses lacunes, qui invalident ses résultats ». Cependant, il conclut cette même interview par ces phrases : « Effectivement, il n’y a jamais eu d’étude de cancérogénèse liée aux OGM ni d’étude toxicologique à long terme (…) L’ampleur des travaux du professeur Séralini est donc sans précédent ». Le mercredi 26 septembre sur l’antenne de France Inter, L.M. Houdebine directeur de recherche honoraire à l’INRA, déclarait au sujet du travail de Séralini que « La première impression est que c’est impossible parce que on voit pas comment du maïs qu’on mange depuis 5000 ans puisse devenir cancérigène à ce point là en faisant une transformation génétique des plus simples ».

Il est intéressant de considérer ces deux déclarations à la lumière d’une des recommandations en matière de santé proposée dans le rapport parlementaire sur les OGM produit par J.Y. Le Déaut en 1998 [1] , rapport qui s’était appuyé sur un Comité de Pilotage comprenant notamment G. Pascal. Cette recommandation disait : « S’il y a le moindre risque, même faible, de démontré concernant une plante transgénique, il ne doit y avoir en aucun cas, aucune importation, aucune mise en consommation, et aucune autorisation de mise en culture ».

Ainsi, alors qu’il était recommandé dès 1998 de ne prendre aucun risque sanitaire avec les OGM, on comprend des déclarations citées ci-dessus de deux de leurs défenseurs les plus connus, que la puissance publique ne s’est jamais vraiment donnée les moyens d’évaluer ces risques à long terme.

Le second type de questions soulevé par le débat actuel se rapporte à l’évaluation des nouvelles substances et des OGM, et il concerne à la fois les procédures d’homologation de ces nouveaux produits et l’impartialité des experts qui a souvent été mise à mal ces dernières années, le dernier exemple étant le Médiator.

Sachant que presque tous les pesticides mis sur le marché après avoir obtenu une autorisation, sur présentation d’un dossier d’AMM (Autorisation de Mise sur le Marché) produit par le fabricant lui-même, finissent un jour par être interdits (atrazine, paraquat, chlordecone, Cruizer…) en raison des ravages qu’ils causent à l’environnement ou/et à la santé humaine, on se demande combien de temps il faudra attendre pour que toutes ces procédures d’homologation soient modifiées et quand sera confiée l’évaluation de ces molécules, ainsi que des OGM cultivés en plein champ, à une Agence d’Etat pouvant travailler en toute indépendance des pressions et des lobbys. Par ailleurs, la baisse des crédits récurrents attribués aux équipes de recherche qui les incite à courir après les contrats, et l’incitation croissante faite aux chercheurs des organismes publics à développer des programmes collaboratifs avec le privé, a considérablement réduit leur indépendance, pourtant indispensable pour exercer des fonctions d’expertise.

Le troisième niveau de questions soulevé par la publication de G.E. Séralini et collègues se rapporte au positionnement de notre Institut par rapport à cette question des OGM.

On peut tout d’abord regretter que l’INRA soit apparu, une nouvelle fois, comme un des premiers défenseurs de ces technologies à travers les interventions de G. Pascal et L.M. Houdebine. L’image de notre Institut ne s’en trouvera pas améliorée d’autant que les consommateurs français ont renouvelé à chaque enquête d’opinion et depuis de nombreuses années, leur souhait largement majoritaire de ne pas avoir d’OGM dans leur assiette. Entendre dire, par un directeur de recherche honoraire de l’INRA, qu’il ne devrait pas y avoir d’évaluation sur les plantes génétiquement modifiées parce que ce sont les mêmes que les plantes non modifiées, et que le glyphosate n’a jamais causé de cancers chez l’Homme, n’est pas à l’honneur de notre Institut !

Plusieurs chercheurs de l’INRA ont par ailleurs signé dans le Monde un appel à un « débat raisonné » sur les OGM, qui finit pourtant par un plaidoyer sur l’espoir suscité par les OGM pour résoudre tous les problèmes de la planète, en grand décalage avec l’expertise actuelle mondiale sur les causes des déséquilibres pour l’accès à l’eau, à l’alimentation et à la santé à travers le globe, et sur les solutions qui peuvent y être apportées dans un contexte de démographie croissante et de changement climatique.

Enfin, dans un communiqué datant du 27 septembre, le nouveau PDG de l’INRA, F. Houllier, précise la position de l’institut vis à vis de l’article de Séralini, en nous disant notamment que « l’INRA a publié en 2012 une méta-analyse sur les risques toxicologiques liés à l’ingestion des OGM » sachant que cet article qui a fait l’objet de nombreuses critiques (voir par exemple l’article de Gilles Van Kote dans le Monde du 15 décembre 2011), est co-signé par des personnalités (dont toujours G. Pascal) très bien connues pour leur soutien actif aux OGM. On aurait aimé que, dans les circonstances présentes, F. Houllier fasse preuve d’un peu plus d’ouverture.

Il est donc plus que jamais urgent que soit initiée une profonde réflexion sur les orientations scientifiques futures de notre Institut, et sur la place centrale que l’on veut continuer de donner, ou non, aux biotechnologies.

SUD Recherche EPST avait critiqué l’entêtement de notre ancienne PDG, M. Guillou, sur cette question lors de l’analyse de son livre (« 9 milliards d’êtres humains à nourrir, un défi pour demain … un défi mal posé ! »). Nous déplorons par ailleurs, qu’au lieu d’initier un réel débat de fond, notamment sur ces enjeux de recherche publique, les « Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche » menées par la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche dérivent en une piteuse opération de communication.

C’est pourquoi nous demandons à la Direction de l’INRA et au gouvernement d’engager cette vaste réflexion en incluant notamment la participation d’acteurs qui ne sont encore pas ou peu écoutés actuellement (confédération paysanne, associations de protection de l’environnement…). Le renouvellement de notre modèle agricole à bout de souffle, que ce soit au niveau environnemental ou social, et les attentes des citoyens de France et d’ailleurs, vont demander que soit opérée une double, triple ou quadruple révolution verte, dans laquelle l’INRA devra tenir un rôle majeur.

[1On peut penser que cette recommandation reposait sur le fait qu’il était estimé que l’ensemble des bénéfices supposés être apportés par les OGM étaient insuffisants pour que l’on tolère le moindre risque sanitaire.

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