INRA : un changement de direction, pas de politique - en écho au tour des Centres du nouveau PDG

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Près d’un an après le départ de Sarkozy, la présidence de l’INRA a également changé, mais la politique menée à l’échelon national comme à « l’échelon territorial », terme en vogue pour désigner les régions (à dimensions, il est vrai, variables suivant les restructurations !) demeure globalement à l’identique.

Alors que le nouveau PDG réalise un tour des centres INRA, il est particulièrement intéressant d’illustrer la situation à partir d’un constat de terrain, tant il est révélateur des attentes et besoins, des personnels et de la société, toujours non résolus…

Le document ci-dessous reprend la contribution adressée par le syndicat à l’ensemble des agents du centre suite à un court (!) échange avec le PDG le jeudi 14 février

version "4 pages" en fichier joint

Après l’Assemblée Générale d’une heure convoquée tardivement et sans ordre du jour jeudi 14 février, avec le nouveau PDG de l’INRA

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Ci-dessous, les notes SUD-RE reprenant notre intervention en séance (centrée sur le nécessaire ré-équilibrage des orientations de recherche) : constat d’un schéma de centre très orienté biotech, un chantier national « agroécologie » loin de répondre aux besoins, soutenant des projets controversés en Bretagne…, et revenant sur nos arguments en réponse au PDG. Puis, la présentation peu convaincante d’une charte de déontologie

STOP

Rappelons aussi au nouveau PDG les 2 demandes consensuelles remontées du processus interne des Assises (parmi des propositions contradictoires, reflet des limites d’un exercice contraint et biaisé)

STOP

 « La création, par fusion, de très grandes unités (TGU), jugées génératrice de perte d’identité, de stress et de difficultés de gestion, est très fréquemment critiquée »
 « A une exception près, les contributions demandent instamment la suppression de la prime d’excellence scientifique (PES), jugée antinomique avec la dimension collective de la recherche. »

STOP

Il s’agit d’extraits du quatre pages de synthèse. Attendons toujours des suites !

STOP

Nous arrêtons ici le style télégraphique, clin d’œil à l’organisation décidément « speed » de toute initiative de concertation à l’INRA, pour présenter les notes détaillées de l’échange nécessairement court, lors de l’AG.


L’AG du centre INRA de Rennes ce jeudi 14 février a réuni environ 180 personnes dans l’amphi Matagrin d’Agrocampus OUEST entre 13h45 et 14h45.

Après une demi-heure d’exposé du nouveau PDG, Monsieur François Houllier, sur la politique générale de l’INRA, le contexte des lois sur l’avenir de la recherche et l’agriculture ; sa contribution aux assises de la recherche, ses recherches « de plus en plus participatives » (réseau FERME Ecophyto 2018), son budget de 844 millions d’euros en progression (+3.7% alors que moins 2.5% étaient envisagés en juin), sa politique de limitation des CDD (mais pas du turn-over ?). Puis la parole a été donnée à la salle.

Déclaration SUD :

« M. Houllier, en tant que syndicalistes SUD, nous souhaitons ici, devant le personnel de l’INRA de Rennes, vous dire la persistance de notre inquiétude vis-à-vis des orientations de l’INRA.

En avril 2012 dans cette même salle nous avions exposé au Président de Centre de Rennes notre déception devant l’absence de remise en cause dans son schéma de Centre 2012-2016 du soutien fidèle de l’INRA au modèle agroindustriel. Précisons que ce schéma de centre est complètement en phase avec les objectifs nationaux. La contribution SUD nous semblant toujours d’actualité nous vous la remettrons en fin d’AG. SUD c’est 52% des voix aux élections du CT pour le Centre de Rennes et nos interrogations reflètent celles de bon nombre de collègues qui se demandent pourquoi le service public de recherche agronomique n’infléchit-il toujours pas sa politique.

Derrière la communication qui tente de faire croire au mouvement, l’inertie de l’institution est là.

Etes-vous certain de faire le bon choix pour l’avenir en misant sur le tout biotech ?

Vous allez évidemment répondre qu’il n’en est rien, que notre propos est caricatural, mais nous avons bien lu les propos tenus par Mme Guillou à V. Tardieu pour son livre « Vive l’agro-révolution française ».
Elle lui déclarait (p. 112) : « L’INRA manque de systémiciens pour répondre aux questions multi-échelles et interdisciplinaires qui se posent aujourd’hui.

Nous avons dû, au milieu des années 1980, répondre à la demande du ministère de tutelle, celui de la Recherche, de recentrer nos approches sur plus de sciences fondamentales, ce qui a conduit à mettre l’accent sur les molécularistes et les approches réductionnistes. »

Pour preuve, les projets lauréats aux Investissements d’avenir dans lesquels l’Inra est engagé vers des objectifs de durabilité misent encore massivement sur l’outillage biotechnologique. Nous constatons une absence totale de lobbying à l’INRA pour inspirer des ouvertures de crédits significatifs à l’ANR ou aux Investissements d’avenir en direction des voies alternatives au modèle productiviste, notamment l’agriculture biologique, par le biais d’approches systémiques. Nous espérons que l’occasion du prochain CPER sera saisie pour diversifier nos dispositifs de recherche en ce sens.
Mais il nous est encore aujourd’hui permis d’en douter, surtout au vu du message qu’adresse aujourd’hui l’Inra à travers son nouveau logotype d’inspiration génomique

Dernier exemple en date de ce verdissement sémantique et non effectivement conceptuel : le 3 mai le centre de Rennes recevra la visite de M. Soussana DS environnement qui présentera le rapport du chantier agroécologie de l’INRA.

Et pour donner consistance au concept, croyez-vous que c’est une rencontre avec le RAD (réseau agriculture durable), fondé il y a plus de 20 ans par André Pochon pionnier de l’agroécologie réelle, réunissant 2000 fermes et dont le siège est à Rennes, qui a été prévue ? Croyez-vous qu’il s’agira également de prendre part aux Ateliers Ambition Bio 2017 actuellement en cours dans les Régions et coordonnés ici par la DRAAF tout au long de ce premier semestre ?
Pas du tout, au programme nous aurons une présentation de la nébuleuse et controversée AEI (agriculture écologiquement intensive). Ainsi l’INRA, sans débat interne ni externe, soutient la chaire d’AEI à un million d’euros créée par Agrocampus Ouest. Chaire qui associe notamment les coopératives Terrena et Triskalia.

Cette dernière est très bien connue en Bretagne pour son engagement de longue date en faveur d’une agriculture « plus écologique » (sic). Ainsi au printemps dernier a-t-elle relancé la culture du maïs sous plastique avec déchaumage au glyphosate, parfois jusque dans les fossés, et semences enrobées au Cruiser. Si ces partenaires apprécient à sa juste valeur la caution accordée par l’INRA à leur entreprise de green washing, qu’en sera-t-il des progrès attendus du dialogue science et société ? »

Les échanges et nos commentaires

non exhaustifs

Pour la Direction, il ne fait aucun doute que l’INRA a une politique équilibrée et ne néglige aucune de ses missions ni aucun domaine.

Dans leurs réponses, le PDG et le nouveau Directeur général délégué à la science Olivier Le Gall, nommé en décembre 2012, ont donné comme exemples :
● dès 2005 l’INRA a lancé le programme ADD (agriculture et développement durable) à l’ANR
● le précurseur chantier agroécologie (« de la science high tech et pas low cost ») qui a été lancé par l’INRA un an avant l’initiative du ministre de l’agriculture sur l’agroécologie pratique.
● 4 des 10 conférences INRA au prochain salon de l’agriculture traiteront d’agroécologie.
Pour les dirigeants de l’INRA, l’institut doit travailler sur tous les sujets. En tant que syndicalistes nous ne disons pas autre chose.

Par contre nous affirmons que les moyens ne sont pas du tout équilibrés et que les projets biotech et haut débit raflent la mise

Ils ne laissent que les miettes aux innovations non biotechnologiques. Lors de ce premier cycle, ADD recevait typiquement une dotation de moins du tiers de ce qui était alloué aux programmes réunis depuis dans « BIOADAPT ». Par contre la communication institutionnelle met de plus en plus en avant les approches systémiques alors que les recrutements ne suivent pas. Quelques rares exemples concrets de recherches INRA citées avec trop d’insistance ne font pas illusion. Le personnel de l’INRA comme les personnes intéressées par les recherches conduites à l’INRA connaissent bien la réalité des choix de l’institut et ses conséquences sur l’affectation des moyens ! Et ce n’est pas la très théorique approche développée par le chantier agroécologie qui va les rassurer.
Mais peut-être qu’à force d’en parler les choses vont changer. Nous attendons…

Concernant le schéma de centre de Rennes

Le Président du centre, Herpin affirme qu’il n’a souhaité privilégier aucun mode de production « l’agriculture biologique ou l’agriculture écologiquement intensive [AEI] tout comme les systèmes plus intensifs y sont éligibles pour développer l’agroécologie. » Et ceci comme écrit dans le schéma « au sein des territoires à forte densité de production du grand ouest ». Nous ne sommes évidemment pas d’accord comme nous l’avions écrit dans la contribution SUD en avril 2012 :
http://www.sud-recherche.org/SPIPprod/spip.php?article1431

Signalons que la réflexion interne de l’institut tant sur l’AEI que sur les autres alternatives, pourrait être stimulée par l lecture de l’article de Frédéric Goulet dans le numéro de décembre 2012 du Courrier de l’environnement de l’INRA.

A une question sur la situation des collègues INRA qui siègent en tant qu’experts, sollicités en temps qu’intuitu personae et donc sans porter la parole de l’INRA dans les instances où ils étaient appelés à fournir une expertise, M. Chemineau, directeur de la Délégation à l’Expertise scientifique collective, à la Prospective et aux Etudes, a répondu en distinguant l’expertise fournie à titre purement institutionnel (vers laquelle les solliciteurs devraient être préférentiellement orientés) et l’expertise fournie à titre individuelle, en tant que scientifique. Néanmoins nous pensons que cette position est souvent mal comprise/incompréhensible par les agents, et encore plus par les partenaires et interlocuteurs pour qui évidemment le/la collègue est un représentant de l’Institut qui l’emploie.

O. Le Gall a poursuivi sur la charte de déontologie qui devrait clarifier les choses à l’INRA et plus généralement pour les scientifiques. SUD ne partage pas cet avis et l’a dit au Comité Technique du 5 février :
La copie proposée ne répond pas aux exigences de transparence attendue de la recherche publique et ne résoudra pas la rupture de confiance constatée lors de récentes controverses. Il y a contradiction forte entre le vœu exprimé d’une dynamique collective et le management actuel basé sur la mise en compétition. Des budgets publics et des emplois de titulaires suffisants sont aussi les conditions incontournables d’une réelle indépendance sur les orientations et choix de recherche.

L’accent mis sur « l’objectivité » et « l’impartialité » nous semble contreproductif voire dangereux, parce qu’il peut revenir à nier la pluralité des approches et des points de vue. Le « conflit d’intérêt », cité une fois dans cette charte, au sujet de l’expertise collective, n’est pas pris dans sa globalité et aucun moyen de lutte n’est proposé. Pour autant, nous demandons une transparence totale des revenus liés à une consultance, une expertise, une participation à des contrats ou de chaires avec des partenaires privés…, vers une avancée concrète sur les conditions dans lesquelles les recherches sont menées dans notre institut.

Enfin s’est posée la question du « mille-feuilles » que la création d’alliances ou de dispositifs « d’excellence » des investissements d’avenir ont contribué à créer, avec pour conséquence une perte totale de repères pour les collègues, voire de visibilité pour les partenaires – un comble apparu clairement lors du travail des Assises de la Recherche.

O. Le Gall et F Houiller ont insisté sur le caractère labile et « hors les murs » de ces dispositifs, qui ne seraient pas selon eux des « structures ». Il est pourtant clairement énoncé dans le rapport d’activité 2011 de l’Agence nationale de la recherche « qu’ils [les investissements d’avenir Labex, Equipex, Idex] permettent non seulement de financer la réalisation de projets de recherche de grande ampleur, mais également la mise en place de nouveaux « objets » tels que des équipements de recherche de taille intermédiaire, des infrastructures de recherche en biologie-santé, ou encore l’émergence de pôles mondiaux de recherche et d’enseignement ».

SUD, pour contribuer au débat, va offrir le livre de V. Tardieu à MM. Herpin, Houllier et Le Gall.

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