Décodage du nouveau « CNESER » : Régionalisation, Autonomie, Lobbying, Compétition, Usine à gaz et... Eclatement des EPST ! contribution SUD-RE adressée au Ministère

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Le Ministère annonce un décret pour la mi-mars.
Analyse SUD-RE de ce nouveau CNESER (Conseil National de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche) issu de la fusion de l’actuel CNESER et du CSRT (Conseil Supérieur de la Recherche et de la Technologie).

Sous prétexte de « redonner toute sa place au R de CNESER, c’est le R de « Régionalisation de l’ESR » que le MESR s’apprête à renforcer à travers cette fusion CNESER / CSRT, et aussi le A « d’Autonomie des COMUE », le L de « Lobbying », le C de « Compétition », le U « d’Usine à gaz » et le E « d’Eclatement des EPST ».

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Ce document reprend et complète les interventions des membres de la délégation de Solidaires reçue le 24 janvier 2014 au MESR au sujet de la mise en place du « nouveau CNESER », issu de la fusion des actuels CNESER (Conseil National de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche ) et du CSRT (Conseil Supérieur de la Recherche et de la Technologie) décidée par la loi du 22 juillet 2013 (dite « loi Fioraso »).

Introduction

La manière dont s’est décidée la fusion du CNESER et du CSRT dans un « nouveau CNESER » non défini mérite d’être rappelée car elle est symptomatique de la manière dont fonctionne la « concertation » dans ce ministère. L’idée d’une fusion CSRT / CNESER ne figurait ni dans les
propositions rédigées par V. Berger à l’issue des Assises de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche4 ni dans les propositions du député Jean-Yves Le Déaut - censées préparer le projet de loi - remises au Premier Ministre le 14 janvier 2013.

Le MESR a sorti cette proposition de son chapeau le 19 décembre 2012 lorsqu’il a présenté les grandes lignes de son projet de loi devant les organisations représentant les personnels et étudiants (essentiellement celles siégeant au CNESER). Il a présenté cette fusion comme répondant à la motion votée 2 jours plus tôt au CNESER qui souhaitait « redonner toute sa place au R de CNESER » et demandait que les organismes de recherche (EPST, EPIC, etc) soient « directement représentés au sein du CNESER », mais s’est bien gardé de dévoiler ce que serait ce « nouveau CNESER » une fois fusionné avec le CSRT.

Quant aux personnels des EPST, ils n’ont jamais eu à donner leur avis sur le sujet, ni d’ailleurs sur aucun des points du projet de loi Fioraso qui n’a été soumis qu’au seul CNESER (sans doute en considérant que le CNESER représentait déjà les personnels des EPST…).

Maintenant que le principe de la fusion CSRT / CNESER a été acté dans la loi - sans avoir pu discuter avant de ses implications-, le MESR propose d’ouvrir une concertation avec les organisations représentant les personnels de l’ESR et les étudiants sur la préparation du décret de mise en oeuvre.

Mais le 24 janvier, lors de l’entrevue de Solidaires au MESR, il nous a bien été expliqué que ce qu’on demandait était en gros impossible : on ne peut pas donner un siège à tous les organismes de recherche car cela ferait trop, on ne peut pas supprimer les collèges au sein des personnels de l’enseignement supérieur car le Conseil Constitutionnel considèrerait que c’est une atteinte aux « libertés académiques » des professeurs et MCF, on ne peut pas éviter la surreprésentation des enseignants-chercheurs – et en leur sein des professeurs – à cause des pesanteurs sociologiques et historiques…

Par contre, le MESR envisage d’alléger fortement les missions du CNESER : il ne serait plus appelé à donner un avis sur les formations, la recherche des établissements universitaires, cette régulation devant s’effectuer selon lui au niveau des COMUE (Communautés d’Universités et d’Établissements). Le CNESER devrait se concentrer sur ses attributions « stratégiques ». Mais si le gouvernement attend vraiment du CNESER des avis en termes de stratégie de recherche, alors pourquoi avoir créé un « Conseil Stratégique de la Recherche », où seront présents, comme au CNESER, des représentants de l’Assemblée Nationale, du Sénat, des Régions, et du monde économique ? Par contre les représentants élus des personnels et étudiants sont remplacés par des chercheurs triés sur le volet, tous nommés ! (ce qui en dit long à la fois sur la conception de la recherche et sur la conception de la démocratie qui prévalent aujourd’hui au niveau du gouvernement…).

La rencontre du 24 janvier nous a renforcés dans notre position : l’idée même de regrouper dans une seule instance (de 100 personnes !) les multiples attributions du CNESER et du CSRT, aussi étendues que variées (de grands débats stratégiques avec des membres extérieurs jusqu’à de la gestion interne) est une absurdité. Cela ne peut conduire qu’à une instance lourde et inefficace, et à un abandon d’un grand nombre d’attributions – auxquelles tiennent les collègues universitaires et les étudiants - qui ne seraient plus traitées au niveau national mais au niveau des COMUE.

Sous prétexte de « redonner toute sa place au R de CNESER », c’est le R de « Régionalisation de l’ESR » que le MESR s’apprête à renforcer à travers cette fusion CNESER / CSRT, et aussi le A « d’Autonomie des COMUE », le L de « Lobbying », le C de « Compétition », le U « d’Usine à gaz » et le E « d’Éclatement des EPST ».

C’est un pas de plus vers la construction de « super-universités » régionales autonomes regroupant – de gré ou de force – établissements d’enseignement supérieur et de recherche, et corrélativement vers l’affaiblissement des cohérences nationales, tant au niveau des universités que des organismes de recherche.

S’ajoutent à cela une composition et un mode de désignation des représentants des personnels qui sont pour nous inacceptables. Nous allons préciser notre pensée sur ces points ci-dessous, comme nous y avons été invités par le MESR.

1. Les attributions du nouveau CNESER

 Trop vastes et hétérogènes pour une seule instance… sauf à vouloir que cette instance soit inefficace…

 Le CSRT donnait un avis circonstancié sur le budget de la recherche, le CNESER se prononce sur « la répartition des moyens entre les différents établissements » ! Les représentants des établissements, des personnels, des étudiants devront donc dire qui sera le Pierre qui devra être déshabillé pour habiller Paul ? Et les représentants des « grands intérêts nationaux » (monde
économique…) joueront les arbitres du jeu ? Pourquoi les « grands intérêts économiques » auraient un droit de regard sur la répartition des moyens de l’ESR ? Dans le cadre « d’échanges équilibrés », il faudrait qu’à minima le CNESER puisse avoir un droit de regard sur l’usage du Crédit Impôt Recherche !

 D’une manière générale, on ne peut prétendre donner au CNESER des attributions sur la stratégie nationale de recherche et laisser en dehors du champ d’investigation des pans entiers d’investissements publics, décidés au niveau du Premier Ministre ou d’autres ministères, ou des entreprises (PIA, CIR, CICE…).

2. la composition du nouveau CNESER

 Nous sommes contre la fusion CSRT / CNESER et donc contre l’entrée des EPST dans cette mégaentité ; cependant si les EPST doivent y aller, alors ils doivent y aller tous : il n’est pas possible d’exclure un EPST (l’IFSTTAR) au motif qu’il n’est pas sur la bonne ligne budgétaire ! Tous les EPST (et plus généralement tous les organismes de recherche) doivent être représentés par leur Président ou DG : il n’y a aucun lien de subordination entre EPST et aucun responsable d’un établissement de recherche – fût-il aussi prestigieux que le CNRS – n’a de légitimité pour représenter les responsables d’autres EPST (ce serait assez pervers de demander à certains responsables d’EPST de défendre les intérêts des autres EPST alors qu’on met les établissements en concurrence pour la répartition des moyens…) ;

 Nous sommes opposés par principe à ce que la représentation des personnels d’une même entité se fasse par collèges distincts en fonction des statuts ou niveaux hiérarchiques, d’autant plus que le but est en général d’exclure une partie des personnels de toute représentation ou de la
minorer. C’est une approche corporatiste et élitiste que nous combattons : pour nous l’ensemble des personnels, quels que soient leur statut ou leur fonction, sont indispensables à la réalisation du travail commun. Nous défendons ardemment non seulement la parité entre les hommes et les femmes mais aussi entre les chercheurs et les techniciens, entre les permanents et les CDD...

Pour nous un travailleur = une voix, comme un citoyen = une voix. Nous sommes satisfaits que les collèges aient enfin disparu pour les élections aux Comités Techniques dans les EPST où ils existaient et verrions comme une régression que des collèges soient institués pour la représentation des personnels des organismes de recherche au CNESER.

 Nous souhaitons aller au-delà et faire disparaitre les collèges pour les personnels du sup car l’existence de ces collèges distincts (un collège pour les professeurs, un collège pour les maîtres de conférence, un collège pour les personnels ingénieurs, administratifs, sociaux, de santé, un collège pour les conservateurs de bibliothèques), d’une part constitue un très mauvais signal pour d’autres catégories de personnels, et d’autre part va à l’encontre de l’objectif fixé par la loi à ce décret d’assurer la parité homme / femme ; comme nous l’avons rappelé le 24 janvier, le corps des professeurs d’université comporte 70 % d’hommes et 30 % de femmes, tandis que celui des maîtres de conférences comporte 70 % de femmes et 30 % d’hommes…

3. Les modes de désignation des représentants élus des personnels des établissements d’enseignement supérieur et de recherche

 Nous demandons très fortement à ce que des élections au scrutin direct soient organisées et ce, y compris pour les étudiants (c’est une revendication de Solidaires-Etudiant-e-s). Cependant, si un scrutin indirect devait être retenu pour les personnels des EPST, nous demanderions évidemment à ce que ce soit les élections aux CT d’Etablissement qui soient retenues comme base, étant les seules où tous les personnels votent, et les seules qui soient organisées selon les mêmes règles dans tous les EPST (sans collèges depuis 2011 partout) ;

 Tous les personnels contractuels doivent évidemment participer au vote avec et dans les mêmes conditions que leurs collègues titulaires, y compris les doctorants, qui sont de jeunes chercheurs en formation ;

 Les organisations syndicales susceptibles de se présenter dans les EPST et les EPIC n’étant pas forcément les mêmes, il vaut sans doute mieux prévoir un collège distinct pour les EPST et pour les EPIC ;

 Nous considérons que, compte-tenu des compétences attribuées au CNESER, seules les organisations syndicales devraient être habilitées à présenter des listes de candidatures, que ce soit parmi les personnels ou parmi les étudiants ;

4. L’organisation du nouveau CNESER (séances plénières, commissions spécialisées, commission permanente, groupes de travail, ...) :
Certes, il est bien clair qu’une instance de plus de 100 personnes, et devant couvrir un champ aussi large, ne peut fonctionner…
Peut-être peut-on envisager de créer deux sous-instances, l’une dédiée aux questions qui se posent dans les établissements d’enseignement supérieur et de recherche (et qu’on pourrait appeler CNESER), et l’autre dédiée aux questions qui se posent dans les organismes de recherche nationaux (et qu’on pourrait baptiser CSRT) !

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