Sur la route de Sciences en Marche : contribution d’un chercheur INRA, étapes Tours-Paris
Retour sur Sciences en marche...
A sa descente de vélo, après avoir parcouru le célèbre itinéraire Paris-Tours à l’envers, Romain, jeune chercheur INRA et adhérent SUD-RE, fait part de ses impressions au fil des étapes.
Avec une bonne dose d’énergie militante à faire partager sans modération !
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La mobilisation « Sciences en Marche » vient de s’achever, après 3 semaines de vélo et la convergence à Paris le Vendredi 17 Octobre. La présence de 8000 personnes à cette manifestation, dont 150 cyclistes pour l’entrée dans Paris, a été un point d’orgue impressionnant et fédérateur. Parler d’un succès est toutefois un peu erroné, puisque aucune concession du gouvernement n’a été obtenue. De toute évidence, la lutte doit continuer.
Cette mobilisation quelque peu originale a permis à des personnes pas forcément militantes de s’impliquer, en leur permettant de faire quelque chose de concret (même s’il faut encore souligner une participation déséquilibrée de chercheurs, et de biologistes, alors que d’autres catégories de personnels et d’autres secteurs se sont moins mobilisés). De l’extérieur, sur la route, on a reçu un accueil favorable et de nombreux encouragements. De l’intérieur, ce mouvement a permis de nombreuses rencontres personnelles enrichissantes !
A l’inverse, lorsque sur certaines étapes en vélo, on s’est retrouvé très peu nombreux-ses, on a pu avoir l’impression d’être une « bande de rigolos un peu naïfs ». Heureusement que l’accueil à Paris par des dizaines puis des centaines de personnes a permis de se sentir soutenu ! L’aspect « exploit sportif » (qui n’en est pas un, tout le monde peut faire du vélo, mais il y a bien des mentalités à changer là-dessus) ne doit pas masquer le collectif réuni pour cette mobilisation. La structuration du collectif (très flou au niveau des prises de décisions), une certaine inexpérience (notamment de par sa volonté d’être asyndical – même si de nombreuses personnes sont syndiquées dans le mouvement), et des revendications pas toujours très claires (il y a eu une amélioration au fil des semaines) doivent cependant appeler à la vigilance pour la suite du mouvement. Et renforcer la participation syndicale !
Devant les enjeux de société portés par les sciences, il apparaît plus qu’urgent de défendre la mission de service public de l’ESR : un enseignement supérieur de qualité, accessible à tous, et une recherche au service de la société, en produisant des connaissances qui sont librement accessibles au citoyen, indépendantes des pouvoirs financiers et industriels. Non la recherche publique n’a pas vocation à « créer de l’innovation », entendue comme génératrice de profits et de croissance économique (c’est une définition pour certain-e-s ?), et n’a pas vocation première à être au service des intérêts financiers et du monde économique. Dans un contexte de casse des services publics, en France mais pas seulement, partout en Europe, la communauté de l’ESR a tout à gagner à oeuvrer pour une convergence des luttes de défense de ces services publics : lutte pour les hôpitaux, les postes, les transports, la culture etc...Dans le cadre d’une réflexion sur les financements de la recherche, et d’un rejet général de la situation actuelle de financement sur projets à court terme (qui amène à la précarité, à tous les niveaux), dicté par des institutions à la gouvernance opaque, je crois que la communauté scientifique doit faire l’effort d’un rapprochement avec la société civile. Oui la société civile a son mot à dire sur les priorités / grandes orientations de la recherche. La société civile a le droit et la capacité de regard critique sur les évolutions des sciences, bien plus qu’une multinationale. Les sciences sont un bien public.
La critique du détournement important du Crédit Impôt Recherche par de grands groupes doit faire écho au ras-le-bol des institutions financières et de la fraude fiscale. La critique de la gestion par projet, et du discours sur l’excellence, doit faire écho au ras-le-bol des impératifs de compétitivité ! Sciences en Marche cherche à convaincre le grand public de l’importance de l’ESR. Quoi de plus convainquant que de ré-affirmer que les sciences sont un bien public, au service mais également à la disposition des citoyens ? Quoi de plus pédagogique pour susciter la participation que l’invitation à la construction d’un espace réellement démocratique au sein de la recherche scientifique, qui permette et garantisse une nécessaire indépendance scientifique ? En l’absence de cette dimension citoyenne, une mobilisation pour l’emploi scientifique, pour de meilleurs financements (quantitatif et qualitatif), paraîtra forcément (à juste titre ?) comme une revendication d’une communauté tournée uniquement vers ses propres intérêts.
Contribution de Romain, CR2, adhérent SUD-Recherche EPST