PEDR, etc ... lettre ouverte à la ministre de l’Education Nationale, de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche : Errare humanum est, perseverare diabolicum !

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Le ministère de l’ESR vient d’adresser aux organisations syndicales un projet de circulaire concernant la mise en œuvre dans les EPST de la Prime d’Encadrement Doctoral et de Recherche (PEDR), anciennement nommée prime d’excellence scientifique (PES), dans le but de "recueillir leurs observations éventuelles" avant envoi de la circulaire aux directions des organismes de recherche.
Le Ministère est apparemment chagriné par le constat que « Les femmes et les jeunes chercheurs sont donc sous-représentés dans la population des bénéficiaires de la PEDR ». Mais au lieu de changer les règles du jeu, il demande aux directions d’EPST de se débrouiller pour en changer les résultats ! C’est pitoyable !
Vous trouverez ci-dessous et ci-joint notre réaction que nous avons voulu rendre publique sous forme de "lettre ouverte" à Madame la ministre de l’ENESR.

Errare humanum est, perseverare diabolicum

Lettre ouverte à Madame la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche en réponse au projet de circulaire sur la PEDR

Madame la ministre,

Les services de la DGRH de votre ministère ont fait parvenir le 6 décembre aux organisations syndicales « pour observations éventuelles » un projet de circulaire sur la prime d’encadrement doctoral et de recherche (PEDR) des chercheurs que votre ministère souhaite adresser aux présidents et directeurs d’établissements publics scientifiques et technologiques (EPST).

Dans ce projet de circulaire, vous rappelez tout d’abord les principaux critères d’attribution de la PEDR. Cette prime sélective :

- « peut être accordée aux personnels dont l’activité scientifique est jugée d’un niveau élevé au regard notamment de la production scientifique, de l’encadrement doctoral et scientifique, de la diffusion de leurs travaux et des responsabilités scientifiques exercées »

- « peut également être attribuée aux personnels apportant une contribution exceptionnelle à la recherche »

- Sachant que ces personnels « doivent effectuer un service d’enseignement dans un établissement d’enseignement supérieur correspondant annuellement à un minimum de 42 heures de cours, 64 heures de travaux dirigés ou toute combinaison équivalente »

Vous rappelez ensuite que « Selon une étude menée par la Direction générale des ressources humaines dans le cadre de l’agenda social, il apparaît que les bénéficiaires de la PEDR sont essentiellement des directeurs de recherche de classe exceptionnelle (DRCE) et des directeurs de recherche de 1re classe (DR1) de sexe masculin. Ainsi, 18 % des DRCE et 13 % des DR1 perçoivent cette prime contre 8 % des directeurs de recherche de 2e classe (DR2), 5 % des chargés de recherche de 1re classe (CR1) et 7 % des chargés de recherche de 2e classe (CR2). Tous grades confondus, les hommes représentent 72,74 % des bénéficiaires contre 27,26 % de femmes, alors que les femmes représentent 36 % de la population des chercheurs ». Et vous en concluez que « Les femmes et les jeunes chercheurs sont donc sous-représentés dans la population des bénéficiaires de la PEDR ».

Viennent enfin les instructions que vous donnez aux Présidents et Directeurs Généraux des EPST pour remédier à cet état de fait :

- « communiquer davantage auprès des femmes et des nouveaux chargés de recherche afin de susciter les candidatures de ces personnels »

- « apporter une attention particulière aux candidatures de ces personnels, afin que la répartition des bénéficiaires reflète mieux la population éligible »

Ce projet de circulaire appelle de la part de notre syndicat les observations suivantes :

1) Nous nous étonnons de votre étonnement devant les résultats de la mise en œuvre de la PEDR dans les EPST : un tel système de sélection, basé sur des critères de « performance », ne peut que bénéficier à ceux qui exercent les fonctions d’encadrement et cosignent le plus d’articles, au détriment de ceux et de celles qui débutent, au détriment de ceux - et surtout de celles - qui ne sont pas promu-e-s DR, au détriment de ceux - et surtout de celles - qui ne considèrent pas que le métier de chercheur ce doit être 70h de travail par semaine en sacrifiant tout le reste, au détriment de ceux et de celles qui refusent par éthique personnelle de cautionner un système qui nie la dimension collective du travail de recherche, exacerbe la compétition et l’individualisme et ne peut être que destructeur pour la recherche publique.

2) Nous sommes très perplexes sur les consignes que vous donnez aux responsables des EPST et ne voyons pas en quoi consiste exactement le fait « d’apporter une attention particulière aux candidatures de ces personnels [femmes et nouveaux chargés de recherche], afin que la répartition des bénéficiaires reflète mieux la population éligible » ; que demandez-vous exactement aux directions d’EPST ? d’établir des quotas de « jeunes » et de « femmes » ? Ou bien de « corriger » dans la plus grande opacité les résultats du processus de sélection des candidatures à la PEDR ? Une clarification s’impose.

De notre point de vue, ce projet de circulaire est un non-sens. Si vous souhaitez réellement une équité de traitement entre tous les Chargés de Recherche (CR) et Directeurs de Recherche (DR), de tous âges et de tous sexes, alors il y a une solution simple : abroger la PEDR et répartir son enveloppe de manière égalitaire entre tous les CR et DR. C’est une demande qui vous a été faite par tous les syndicats des personnels des EPST lors des réunions de groupe de travail sur le sujet qui se sont tenues dans le cadre du mal-nommé « agenda social de l’ESR ». Persisterez-vous dans votre refus d’accéder à cette demande, pour laquelle vous ne pouvez invoquer les « contraintes budgétaires » et qui serait le meilleur moyen de régler le problème de « mauvaise répartition » de la PEDR que vous prétendez vouloir résoudre ? Ce serait incompréhensible pour les CR et DR des EPST, qui honnissent, dans leur immense majorité, ce système de la PEDR (ex-PES) et l’ont manifesté par de nombreux refus individuels et collectifs. Vous ne pouvez ignorer que le montant moyen de la PEDR pour lequel vous organisez cette sévère compétition entre CR et DR est du même ordre de grandeur que la prime minimale versée à tous les agents de la Fonction Publique de l’État. Vous ne pouvez ignorer non plus que le Ministère de l’Environnement, de l’Energie et de la Mer a obtenu une prime statutaire, non modulable, pour tous les chercheurs du développement durable (dont le statut relève du décret-cadre des fonctionnaires des EPST de décembre 1983 et dont une partie des effectifs sont en poste à l’IFSTTAR, un EPST sous votre tutelle) et que le montant de cette prime (3490 € pour les CR et 5430 € pour les DR) est bien supérieur au montant de la Prime de Recherche.

Si votre ministère est, depuis longtemps, incapable d’obtenir une revalorisation des rémunérations de base de ses personnels, faut-il en plus qu’il se distingue des autres ministères en inventant des systèmes de primes « sur concours » qui ne sont attribuées qu’à quelques-uns (et pour une durée limitée !) – en l’occurrence en priorité les « mâles dominants » - pour tenter pitoyablement dans un second temps d’atténuer les effets de la compétition pour les autres membres de la « tribu » ?

Nous voulons exprimer à nouveau ici les revendications de notre syndicat en matière de régime indemnitaire des personnels des EPST :

  Supprimer la PEDR et répartir l’enveloppe correspondante entre tous les CR et DR sous la forme d’un montant uniforme non modulable (par revalorisation de la Prime de Recherche par exemple) ;

  Exempter du RIFSEEP tous les personnels des EPST, personnels des corps d’ingénieurs et personnels techniques mais aussi des corps de chercheurs du développement durable en poste à l’IFSTTAR, auxquels le Ministère de l’Environnement de l’Energie et de la mer veut appliquer le RIFSEEP.

  Porter la prime statutaire des chercheurs – mais aussi celle de tous les fonctionnaires des EPST qui touchent moins - à un montant fixe uniforme non modulable correspondant à la prime moyenne versée aux Ingénieurs de Recherche Hors Classe (IRHC) ; bien entendu, cette prime, exclusive de toute autre prime fonctionnelle, aurait vocation à être intégrée au traitement indiciaire dans les meilleurs délais.

  Transposer cette mesure de revalorisation à tous les personnels contractuels de toutes catégories, à travers le calcul de leur salaire mensuel.

NB La prime statutaire d’un IRHC (prime statutaire la plus élevée pour un corps d’EPST) correspond grosso modo à la prime moyenne versée aux employés et ouvriers de catégorie C dans la Fonction Publique de l’Etat (cf. rapport annuel sur l’état de la FP, édition 2016). Est-ce trop demander que soit inclus dans la rémunération de base de tous les personnels des EPST (de l’adjoint technique au directeur de recherche) un socle minimum correspondant à la valeur plancher des primes versées dans la Fonction Publique de l’Etat ?

Nous vous prions d’agréer, madame la ministre, l’expression de notre détermination syndicale à combattre la mise en compétition des agents et l’individualisation de leurs rémunérations.

Pour le syndicat national SUD-Recherche-EPST,
la Secrétaire nationale

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