INRAIRSTEA : on fusionne d’abord, on ampute après ? Communiqué de SUD-Recherche-EPST, membre de l’Union Syndicale Solidaires

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Le 6 février, les ministres de tutelle de l’INRA et de l’IRSTEA (Recherche et Agriculture) ont remis une lettre de mission aux deux PDG de ces organismes leur demandant de « réfléchir » à un « rapprochement » de l’INRA et de l’IRSTEA en forme de fusion, à échéance du 1er janvier 2020.
Les militants SUD-Recherche-EPST, seul syndicat présent dans les deux organismes, en ont fait une analyse critique partagée et publient le communiqué ci-dessous.

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INRAIRSTEA : on fusionne d’abord, on ampute après ?

SUD-Recherche-EPST est présent dans les deux organismes. A ce titre nous ne pouvons qu’être très inquiets, pour les deux établissements et leurs agents, de la fusion annoncée des deux EPST.

Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, et Stéphane Travert, ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, exerçant la tutelle conjointe de l’INRA et de l’IRSTEA, ont remis le 6 février, aux deux PDG de ces organismes de recherche, une lettre de mission dont l’objet s’intitule « rapprochement de l’INRA et de l’IRSTEA ».

Il y est demandé aux deux PDG de « réfléchir » à ce rapprochement. Mais leur « réflexion » est extrêmement contrainte : elle doit aboutir à une fusion des deux EPST dans un délai extrêmement court (1er janvier 2020) – ce qui suppose que les deux PDG rendent leur étude et leurs propositions de restructuration pour le 1er juillet 2019 - et cette fusion devra se faire à budget constant (p.3 : « Sur la base d’un projet de budget consolidant les budgets actuels de l’INRA et de l’IRSTEA, vous proposerez une organisation scientifique et opérationnelle… ») !

SUD-Recherche-EPST, veut immédiatement tirer la sonnette d’alarme : organiser la fusion des deux organismes dans un tel cadre serait immanquablement courir à l’échec.

Déjà, en termes de calendrier, on ne voit pas comment il serait possible de résoudre toutes les questions posées par une telle fusion en moins de 18 mois. Et encore, il manque, dans la liste des questions à traiter, les études d’impact sur la santé et les conditions de travail qui doivent précéder toute décision de changement important d’organisation. [1]

Surtout, les ministres veulent faire croire que cette fusion ne serait motivée que par des considérations de « pertinence scientifique » et ne poserait que de simples problèmes techniques du ressort des deux organismes.

Or la réalité est toute autre. La fusion de l’IRSTEA et de l’INRA est d’abord dictée par les difficultés budgétaires de l’IRSTEA et le refus de l’Etat d’y apporter la seule réponse adéquate : mettre à niveau la dotation de l’IRSTEA. L’adossement à l’INRA était l’un des scénarios proposés par l’audit stratégique de l’IRSTEA remis en février 2016, commandé par les tutelles pour essayer d’inventer des solutions qui ne coûteraient rien à l’Etat !

En annonçant par avance que le budget du futur organisme ne dépassera pas les budgets actuels réunis de l’INRA et de l’IRSTEA, les ministres de tutelle enferment le futur EPST dans une équation insoluble :
  Soit les personnels de l’INRA devront se serrer la ceinture pour accueillir les « réfugiés économiques » de l’IRSTEA ;
  Soit le nouvel EPST fusionné devra poursuivre la politique de réduction des coûts déjà lancée à l’IRSTEA, en taillant dans les effectifs, en réduisant ou abandonnant des thématiques de recherche, en fermant des centres.
Nous ne voulons ni de l’un ni de l’autre scénario !

On voit bien d’ailleurs dans la lettre de mission que même s’il est affirmé que « l’unité de recherche (ou l’UMR) sera retenue comme brique de base et ne fera pas l’objet de modification a priori » (mais qu’en sera-t-il a posteriori ?), les deux PDG devront plancher sur « l’organisation territoriale » et « la viabilité du modèle économique ». Les activités de recherche et d’expertise dans le champ de l’environnement et des risques menées actuellement par l’IRSTEA sont particulièrement sur la sellette : la poursuite de ces activités semble conditionnée à l’obtention de financements particuliers [2]qui seraient donc extra-budgétaires, une augmentation de la dotation de l’Etat étant exclue par avance. Or pourquoi traiter à part ces activités ? La recherche environnementale de service public a vocation à être financée sur le budget de l’Etat (et plus précisément s’agissant de l’IRSTEA et de l’INRA sur le programme P172 de la MIRES) comme le sont la recherche médicale, la recherche en informatique ou la recherche agronomique !

Cette lettre de mission dessine le pire des scénarios : des ministres de tutelle qui se défaussent de leurs responsabilités sur le PDG du futur EPST à qui ils confient le soin de renflouer l’IRSTEA ou de continuer à le liquider. Nous avions tenté de l’éviter en alertant, avec les autres syndicats de l’IRSTEA, le CA de l’IRSTEA (et en particulier les représentants des tutelles) le 14 décembre 2017 [3], ainsi que le PDG de l’INRA lors du CT de l’INRA du 26 janvier dernier [4]. Mais, manifestement, nous n’avons pas été entendus.

Si une décision est prise au niveau de l’Etat de fusionner l’INRA et l’IRSTEA, c’est une décision politique qui soulève des questions politiques :
  recomposition du paysage de la recherche publique, en particulier de la recherche en environnement, dispersée dans différents organismes ;
  garanties à apporter aux personnels, pérennité de toutes les activités conduites à l’IRSTEA ;
  engagements budgétaires ;
  révision de décrets organiques et statutaires…

Ce n’est pas aux PDG de l’INRA et de l’IRSTEA de répondre à ces questions, et d’ailleurs ils ne sont pas en capacité de le faire.

C’est au niveau ministériel et inter-ministériel que devrait être discuté avec les organisations syndicales le devenir des activités et des personnels de l’IRSTEA et de l’INRA (tant des services d’appui que des équipes de recherche), que devraient être définies les conditions à respecter et les engagements de l’Etat, ainsi que le cadre de réflexions à mettre en place sur les différents volets en jeu (humain, scientifique, sociétal, budgétaire, organisationnel, réglementaire…).
Le ministère en charge de l’Environnement doit impérativement être associé à ces réflexions et décisions : la création d’un nouvel organisme de recherche rassemblant un potentiel de recherche important dans son domaine de compétence ne peut s’envisager sans sa participation active et sans se poser la question de l’exercice d’une tutelle conjointe.

Nous demandons que soit organisée, à l’initiative de la ministre en charge de la recherche, une réunion quadripartite entre l’ensemble des ministères concernés (Recherche, Agriculture, Environnement ; au niveau des cabinets ministériels) et les organisations syndicales représentatives des personnels de l’INRA et de l’IRSTEA.

La lettre de mission prétend que l’opération vise à « conforter la stratégie nationale de recherche dans le champ de l’agriculture, de l’alimentation et de l’environnement ». Dans le cadre fixé, l’opération ressemble pourtant avant tout à une fusion-dégraissage.

L’Etat doit s’engager pour l’ensemble des activités des deux organismes et donner des garanties aux personnels. C’est un préalable à toute discussion d’ordre organisationnel entre les deux directions de l’INRA et de l’IRSTEA. Tant que nous n’aurons pas obtenu ces garanties et engagements de l’Etat, nous demandons aux directions et aux responsables hiérarchiques des deux organismes de suspendre toute discussion sur les modalités d’organisation.

SUD-Recherche-EPST, IRSTEA et INRA, le 12 février 2018

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