CR de l’entrevue de Sud Recherche EPST et Sud Education avec Mme la Ministre le 15 janvier sur le projet de loi programmation de la recherche (LPPR)

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Après s’être assurée qu’il n’y aurait pas d’amalgame avec le dossier retraite lors de cet échange, notre délégation a répondu à l’invitation de la ministre. Après un échange illustrant les fortes divergences sur les rémunérations et la gestion des personnels, la ministre a tenu à préciser que le calendrier parlementaire sera court et basé sur un texte également court, ce qui n’a rien de rassurant !
En conclusion, aucun élément concret nouveau. Comme à l’accoutumée avec ce gouvernement, on dialogue dans le brouillard. Le même dialogue faussé que d’habitude...

SUD éducation et SUD Recherche EPST ont été conviés à une rencontre avec Frédérique Vidal – ministre de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (ESRI) – mercredi 15 janvier à 18h30.
Initialement invités « Dans le cadre des négociations sur la réforme des retraites », nous nous apprêtions à refuser de discuter d’un projet contre lequel nous sommes mobilisé-e-s et dont nous demandons le retrait. Mais le ministère a fait un correctif pour nous indiquer qu’il s’agirait de faire un point sur le chantier du projet de Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche (LPPR). N’ayant aucune information quant aux arbitrages du ministère depuis la publication, en septembre 2019, des rapports des groupes de travail ad hoc, nous avons fait le choix de rencontrer la ministre dans le but d’obtenir des informations après avoir reçu l’assurance qu’aucun amalgame ne serait fait avec un système de retraites dont nous ne voulons pas. (Message ci-dessous)

Madame la Ministre,
Nous avons bien reçu votre invitation à une réunion bilatérale le mercredi 15 janvier, 18h30.
Nous nous sommes permis de la faire suivre à nos camarades de SUD Recherche EPST avec qui nous travaillons étroitement dans le cadre de l’union syndicale Solidaires et qui, nous semble-t-il, n’avaient pas été convié-e-s.
Le message d’invitation indiquait que cette réunion se situerait « dans le cadre des négociations sur la réforme des retraites ». Vous ne pouvez ignorer que notre fédération, tout comme SUD Recherche EPST ou encore l’union syndicale Solidaires demandent le retrait du projet de transformation du système de retraite. Ce projet reste à nos yeux ni amendable, ni négociable. Aussi, nous refuserons toute discussion en lien avec une réforme que nous rejetons dans son ensemble. Cela ne veut bien évidemment pas dire que le statu quo nous satisfait. Nous pensons que d’autres voies d’amélioration du système actuel sont possibles.
Par contre, à l’occasion d’un échange téléphonique, votre secrétariat nous a indiqué que les discussions porteraient sur le projet de Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche (LPPR). Les seuls éléments en notre possession concernant ce projet, à l’heure actuelle, sont les trois rapports des groupes de travail sur lesquels nous avons déjà eu l’occasion d’exprimer notre total désaccord quant aux pistes proposées pour apporter des solutions au constat partagé des nombreux problèmes auxquels le service public d’enseignement supérieur et de recherche doit, aujourd’hui, faire face. Nous sommes toutefois disposé-e-s à prendre connaissance des orientations choisies par le ministère pour l’élaboration de ce projet de loi même si nous aurions préféré pouvoir en faire l’analyse avant de les discuter.
Nous sommes donc disposé-e-s à venir échanger avec vous et à vous faire part de nos revendications concernant l’ESR ainsi que les femmes et les hommes qui le font vivre.
Dans l’attente de votre réponse, veuillez recevoir, Madame la Ministre, l’assurance de notre profond attachement à un service public d’enseignement supérieur et de recherche égalitaire et émancipateur.

C’est dans son bureau que Frédérique Vidal, accompagnée de Pauline Pannier – Directrice adjointe de cabinet –, nous a accueillis pour nous faire un point rapide sur l’avancement du projet LPPR. Nous n’aurons aucune information concrète sur le prochain texte de loi. Le ministère est en phase de concertation avec le gouvernement sur les aspects techniques du projet.

Les pistes abordées par la ministre se basent sur le contenu des rapports :
Attractivité des carrières : la ministre a réaffirmé sa volonté que l’ensemble des métiers de l’ESR soit concerné. Le ministère travaille sur de nouveaux outils (tenure track, contrat de projet, CDI de mission…), il souhaite mettre l’accent sur la question des doctorant-e-s (comment attirer et garder les jeunes talents) et sécuriser à la fois l’accueil des étudiant-e-s étranger-e-s et l’éméritat. Des réflexions sont également engagées pour les personnels BIATSS ou encore pour simplifier les procédures administratives.

Concernant la revalorisation du niveau des rémunérations, qualifié de « indécent » sinon « indigne » dans les rapports, la ministre nous a simplement rappelé qu’elle n’avait pas la possibilité de pouvoir augmenter le point d’indice de la fonction publique (dont nous venons d’apprendre qu’il sera gelé pour les deux années à venir). Les leviers restants seraient donc principalement l’indemnitaire (les primes) et, dans un second temps, l’indiciaire (le salaire), mais par modification des grilles. Elle nous a informés de sa volonté de travailler sur des mesures réglementaires concernant ces grilles indiciaires après le vote de LPPR.
Pour le financement : Après nous avoir fait part de son désir de redynamiser les financements de base, la ministre nous a indiqué que cela se ferait par le biais du renforcement du budget de l’ANR en se fixant comme double objectif, d’une part augmenter le taux de succès ; d’autre part de compléter les sommes allouées par l’ANR pour permettre par le mécanisme du préciput d’abonder les fonds propres des structures (laboratoires, établissements). Rien sur les crédits récurrents.

Nous avons réagi pour expliquer que nous étions toujours dans le flou sur le projet du ministère et dans l’attente des arbitrages. Notre analyse se base sur le contenu des rapports, qui sont les seuls documents que nous ayons à l’heure actuelle. Si nous en partageons une grande partie des constats alarmants sur le service public de l’ESR dégradé et au bord de l’asphyxie, des carrières et des conditions de travail peu attractives, une précarité galopante, un manque de moyens évident... il nous semble que ces trois rapports ne proposent ni évaluation de l’impact des politiques publiques ni analyse sérieuse des causes qui font que nous en sommes arrivés là. Les préconisations proposent d’aller encore plus loin dans cette logique délétère. Des remèdes pires que le mal pour une prescription lourde de conséquences !
Concernant l’augmentation des financements sur appel à projet, même rebaptisés financements compétitifs, nous considérons ce mode de financement toxique pour de multiples raisons : la mise en concurrence de tou-te-s contre tou-te-s, il favorise la compétition plutôt que la collaboration, il génère de la précarité et ne permet pas de se projeter dans le moyen et encore moins le long terme. De plus, lié à l’évaluation, il a tendance à « arroser là où c’est déjà mouillé ». Nous avons insisté sur le fait que ceci ne résoudrait pas les problèmes des laboratoires moins dotés en ANR. Il nous semble essentiel que les crédits récurrents soient suffisants pour permettre à chacun-e de mener à bien ses projets de recherche. La communauté rejette à une immense majorité le financement sur appel à projet. Nous trouvons ce choix paradoxal alors même qu’aucune évaluation de l’impact de l’ANR n’a été réalisée malgré nos demandes. (La ministre nous assure qu’une telle évaluation sera prochainement disponible.)

Sur le volet RH, difficile d’aborder tous les points de désaccord avec les pistes proposées dans les rapports, en gros : nous ne sommes pas du tout d’accord. Nous avons rappelé notre opposition à tout système de prime a fortiori quand il est injuste, individualisé. Les nouveaux outils RH innovants sont une multitude de dispositifs visant à précariser toujours plus l’ESR. Nous avons insisté sur le recours abusif aux « vacataires » qui n’est jamais abordé dans les rapports et la nécessité d’en faire un bilan complet pour mesurer l’ampleur du problème. Nous avons également parlé des recrutements aberrants pour les BIATSS, notamment les catégories C et B souvent surdiplômé-e-s ou encore de la faiblesse des rémunérations et de l’impact sur nos salaires de 10 années de gel du point d’indice. Nous avons aussi rappelé que nous nous étions opposés au protocole PPCR , notamment parce que les agent-e-s catégories B et surtout C avaient été largement oublié-e-s. Si le ministère n’a pas de marge de manœuvre pour modifier les grilles de ces agent-e-s qui sont communes à l’ensemble de la fonction publique, il est de sa responsabilité d’améliorer les carrières en augmentant les possibilités de promotion. Enfin, nous avons demandé si des ouvertures massives de postes de titulaires étaient prévues. La ministre a insisté sur le fait que la loi permettrait un schéma d’emploi à horizon 7 ou 10 ans, sans répondre clairement à notre question.
Quant à la volonté de simplification, nous avons souligné que les lois successives (avec actuellement les établissements expérimentaux prévus par l’ordonnance de décembre 2018) changent sans cesse le fonctionnement de l’ESR, ce qui ne permet pas de se projeter dans l’avenir. Force est de reconnaître que notre système d’ESR tout comme notre quotidien au travail ont été rendus extrêmement complexes à grands coups de lois dites « de simplification ». Aussi, quand un-e ministre nous parle de simplification nous ne sommes pas vraiment rassuré-e-s.

Comme Frédérique Vidal avait un autre rendez-vous, nous avons souhaité lui poser deux questions :

  • La première concerne les interventions du Premier Ministre qui a tendance à associer le volet revalorisation de LPPR et les éventuels rattrapages qu’il faudrait opérer si la réformes des retraites passait pour garantir le niveau de pension des « enseignant-e-s et chercheur-e-s ». Nous rappelons que la ministre a toujours tenu à dissocier les deux chantiers de réformes et que, en même temps, sa volonté de revalorisation s’adressait à l’ensemble des personnels. Nous lui demandons d’en glisser un mot au premier ministre et de lui rappeler que nous ne voulons pas du projet de transformation du système des retraites. La ministre confirme qu’elle n’a changé de position ni sur le fait de dissocier LPPR des retraites ni sur celui de prendre en considération toutes les catégories de personnel.
  • La seconde porte sur le calendrier parlementaire qui pourrait ne pas être tenu. La ministre nous a indiqué que le texte ne serait pas long, à peine quelques articles. Sa discussion pourrait se faire en seulement quelques jours et il est, de plus, jugé prioritaire par le gouvernement dans son ensemble. Le calendrier devrait ne poser aucun problème.

Bilan : nous n’avons aucun élément concret nouveau. Nos demandes répétées de précisions sur les arbitrages n’ont pas reçu de réponse claire.
Comme à l’accoutumée avec ce gouvernement, on dialogue dans le brouillard avec des gens qui savent où ils veulent aller mais se gardent bien de le dire. Le même dialogue faussé que d’habitude...

1 https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid145221/restitution-des-travaux-des-groupes-de-travail-pour-un-projet-de-loi-de-programmation-pluriannuelle-de-la-recherche.html
2 Parcours professionnel, carrières et rémunérations

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