Compte-rendu du CTMESR du 10 juin 2021

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Un seul point à l’ordre du jour de ce CT ministériel : le projet de décret instaurant le nouveau régime indemnitaire pour les chercheur-es et les enseignant-es chercheur-es, le RIPEC

Nous avons démarré par une déclaration liminaire commune des syndicats CGT, FO et Solidaires :

Non à la mise en place du RIPEC, le nouveau système de primes pour les enseignants-chercheurs et les chercheurs - Non au mépris des syndicats par le ministère

Dans le cadre de la LPR et du protocole d’accord sur les rémunérations et les carrières, le ministère prépare une réforme pour mettre en place un régime indemnitaire des personnels enseignants et chercheurs (RIPEC) à destination des enseignants-chercheurs, des enseignantes-chercheuses, des chercheurs et des chercheuses, nouveau système de primes qui remplacerait l’essentiel des primes ou indemnités existantes à partir de l’an prochain.
Ce projet, dont on ne connaîtra pas la réalité des chiffres avant l’automne, veut mettre en place un régime similaire à celui qui a été mis en place pour les personnels techniques, administratifs et de bibliothèque des établissements d’enseignement supérieur et de recherche, à savoir le RIFSEEP.
Le système repose sur l’instauration de trois composantes (ou blocs) : une indemnité de base liée au grade, une indemnité variable liée aux fonctions et une prime non automatique liée à « la qualité des activités et à l’engagement professionnel ». La deuxième composante, l’indemnité liée aux fonctions, est décidée par le chef d’établissement. Il s’agit d’individualiser, en transformant les primes actuelles en indemnités variables.
Enfin, concernant la troisième composante, la prime individuelle, elle remplace la PEDR en allant encore plus dans la logique de prime au mérite. Pour les enseignants-chercheurs et enseignantes-chercheuses, c’est un moyen d’imposer le suivi de carrière et d’affaiblir encore le rôle du CNU.
Alors que le traitement indiciaire continue d’être bloqué, ce projet participe de la politique d’individualisation de la rémunération du gouvernement par l’augmentation de la part variable, liée aux fonctions et au toujours discutable « mérite », contre la logique de carrière, menaçant ainsi l’indépendance des enseignants-chercheurs, des enseignantes-chercheuses, des chercheurs et des chercheuses.
Par ailleurs, une décision du conseil d’État a confirmé que le ministère ne pouvait choisir les interlocuteurs syndicaux avec lesquels il discute sur les questions de rémunérations. Concernant cet important projet de réforme du régime indemnitaire, il n’était prévu au départ aucune réunion préparatoire avant son passage pour avis devant le comité technique le 7 juin. Ce projet ayant été envoyé aux organisations syndicales représentées au CTMESR dans la nuit du 30 au 31 mai, soit quelques minutes avant le délai règlementaire de communication des documents, cette situation a été dénoncée au CTMESR du 1er juin.
Lors de cette séance, le représentant du ministère a tout d’abord refusé de soumettre au vote un avis demandant que le comité technique soit repoussé et que les organisations syndicales représentatives soient convoquées pour négociation préalable. Une interruption de séance a alors été demandée par les représentants du personnel, à l’issue de laquelle ils ont unanimement demandé que le CTMESR du 7 juin soit reporté pour permettre des réunions de concertations et la rédaction d’éventuels amendements.
Sous la pression, le ministère a alors annoncé le report au 10 juin du CTMESR sur le RIPEC ainsi que la tenue d’une réunion de concertation sur le RIPEC le 3 juin.
Les organisations soussignées se félicitent de ce résultat mais ne peuvent que condamner la dérive de notre ministère qui ignore toute revendication venue des représentants des personnels et ne garde pour l’essentiel que la simple apparence formelle de dialogue dans ses relations avec les syndicats.
Les organisations soussignées alertent tout le personnel, dont les enseignants-chercheurs, enseignantes-chercheuses, chercheurs et chercheuses : cette volonté de passer en force est particulièrement dangereuse concernant ce projet de RIPEC.
Les organisations signataires demandent au ministère de renoncer à ce projet et d’ouvrir de réelles négociations sur les rémunérations.

Les élu-es Sud recherche EPST et Sud éducation ont ensuite fait principalement deux déclarations sur le projet de texte : une liminaire pour expliquer notre position sur les amendements proposés par les autres organisations syndicales et une explication de vote.

Déclaration Sud après la présentation du texte et avant le vote des amendements

Sud Recherche EPST et Sud éducation sont totalement opposées à ce régime indemnitaire. Comme cela a été dit dans notre déclaration préliminaire commune, ce n’est qu’une copie du Rifseep que nous avons combattu.
Nous sommes contre les primes individuelles dites « au mérite », qui ne sont qu’un instrument de division par l’injustice. Nous sommes contre les primes de fonction qui génèrent des inégalités inacceptables, alors que tous les corps de métiers concourent au but commun.
Sud Recherche EPST et Sud éducation n’ont pas posé d’amendement, car le seul que nous aurions pu poser aurait été de retirer l’ensemble du texte à l’exception du premièrement de l’article 2 instaurant l’indemnité de base servie à toutes et tous, dans l’esprit de notre revendication d’une prime identique pour toutes et tous, dans l’optique d’une intégration rapide au salaire. Et encore nous aurions demandé à ce qu’elle ne soit pas liée au grade mais bien identique pour toutes et tous. Et bien sûr il aurait fallu supprimer toutes les autres primes. Vu le contexte et le rythme effréné, nous avons choisi de ne pas perdre de temps avec un tel amendement qui serait de toute façon rejeté.
Concernant les amendements déposés par les autres organisations syndicales, nous pensons que pour la plupart ils ne font qu’aménager à la marge quelque chose qui n’est rien d’autre que le maintien de la PES relookée en PEDR sans en remettre en cause la logique profonde d’exclusion et donc les effets délétères. C’est pourquoi nous nous abstiendrons sur la plupart de ces amendements. Il y a tout de même des orientations dans certains amendements que nous rejetons fermement. Nous ne pensons pas, et nous nous sommes battu contre cela, que c’est le rôle des instances d’évaluation de distribuer des primes individuelles. La mission première de ces instances devrait être d’accompagner les collègues tout au long de leur carrière, dans le cadre de ce qu’on pourrait appeler une « évaluation conseil ». Or avec la distribution de prime on est là dans de la pure évaluation-sanction, avec en prime – si j’ose dire – l’aspect mise en compétition. Nous ne demanderons pas à nos élu-es d’éliminer, en régime stationnaire, les trois-quarts des dossiers (car ce sera bien la situation en régime stationnaire). Nous ne leur demanderons pas d’être la cheville ouvrière d’un système qui prétend que, à un moment donné, la moitié de nos collègues ne "mérite" pas d’être rémunérée autant que les autres. Ce n’est pas ainsi que nous concevons leur rôle.
Nous nous opposerons donc aux amendements allant dans ce sens. Nous nous opposerons aussi aux amendements visant à supprimer la candidature à cette prime individuelle. Il nous parait important que celles et ceux qui acceptent de rentrer dans ce jeu-là l’assument. On a entendu l’argument qu’il y aura moins de femmes primées car elles auraient tendance à l’autocensure. Mais peut-être est-ce plutôt le signe d’une intelligence supérieure qui les pousse à ne pas mettre la main dans ce pot de confiture pourrie. En fait, moins il y aura de candidat-es, plus le « mérite » (entre guillemets) s’estompera au profit de l’opportunisme et cette prime montrera son vrai visage !
Nous terminerons par une question : Est-ce qu’un établissement qui aurait l’intelligence de ne pas mettre en place la part individualisée de ce régime indemnitaire - voire la part fonctionnelle en préférant un système de don de temps pour les fonctions spécifiques – sera libre de le faire ? Dans le projet de texte, il est écrit au sujet de la prime individuelle que des dotations seraient attribuées aux établissements à cet effet, ce qui aurait tendance à rendre obligatoire le fléchage de ces moyens vers l‘individualisation. Est-ce que ce sera le cas ? Autrement dit un établissement sera-t-il libre de répartir équitablement l’enveloppe, ou l’idéologie malsaine que prône ce texte entraînera-t-elle une diminution de l’enveloppe pour les mauvais élèves, partisans de plus de justice ?

Déclaration Sud : « explication de vote sur le texte global »

Vous l’aurez compris, Sud recherche EPST et Sud éducation voteront contre le projet de texte. Nous sommes contre la logique d’individualisation sous-tendue par le projet. Nous maintenons que la recherche n’est pas une affaire d’individus mais de collectif. Nous maintenons que nous ne pourrons jamais apporter au monde les changements indispensables en restant dans des raisonnements mesquins, où la "motivation" serait forcément financière. Comme il est indispensable d’améliorer les rémunérations, comme il serait, parait-il impossible de modifier aujourd’hui, les rémunérations indiciaires, notre revendication immédiate est celle d’une prime unique, identique pour toutes et tous de la catégorie C à la catégorie A, à intégrer rapidement dans le salaire.
Pour rentrer un peu plus dans le cœur du projet, en l’absence des éléments de barème, planchers et plafonds nous nous baserons sur ce qui est dans le protocole pour l’analyse.
Concernant la part fixe, selon le protocole, le montant annuel de cette prime de base devrait atteindre 6400€ en 2027, à condition bien entendu que les moyens soient effectivement donnés dans le cadre des lois de finance qui vont se succéder d’ici là. De manière plus précise, le protocole dit ceci : « la part liée au grade augmentera de 17,7 M€ à 104 M€ en 2027. Cette augmentation de 86,3 M€ permettra de passer l’actuelle prime de recherche (PR) de 990€ à 6400€ en 2027. » Une simple règle de trois montre que même dans le protocole le compte n’y est pas, à moins d’acter au passage la perte de 10% des effectifs de chercheuses et de chercheurs d’ici 2027 !
Concernant la part fonctionnelle, le recul que l’on commence à avoir sur la mise en œuvre du Rifseep montre combien ce système engendre d’inégalités, de rancœurs, voire de petits arrangements malsains. Au CNRS où cela a été fait avec zèle, les bilans sociaux montrent par exemple que les écarts entre les femmes et les hommes ce sont accrus.
Concernant la part individuelle, l’essentiel a été dit dans notre expression introductive et nous n’y reviendrons pas.
Ne comptez pas sur nous pour cautionner un système inégalitaire : nous persisterons à dénoncer le chantage que représentent ces "mesures-alibi" de la LPR. Gageons que les prochains rendez-vous budgétaires révéleront encore mieux les arnaques de cette attaque contre le service public de recherche.

Pour en savoir plus sur le contenu du projet de Ripec voir notre article :
Pire que la LPR, son application ! Épisode 2 : Ça a la couleur du Rifseep, ça a l’odeur du Rifseep, mais ça s’appelle le Ripec

En pièce jointe le compte-rendu plus détaillé des débats et les documents (projet de texte, amendements, vœu) (en accès privé)

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